Stéphane Corcelle
Photographe naturaliste

Le martin pêcheur

Être en contact avec la nature est un bon remède contre la morosité. La faune sauvage et plus spécialement les oiseaux me permettent de me déconnecter totalement de notre monde matérialiste et envahissant. Un excellent antidote, c’est emmagasiner une énergie positive.

Premières rencontres

Passionné d’oiseaux dès mon plus jeune âge, j’ai eu la chance d’effectuer des stages nature dans l’Ain avec l’encouragement de mon père. Parcourir les berges du Rhône dans le Pays de Gex jusqu’à Seyssel et découvrir les oiseaux d’eau. Aller sur les crêtes du Jura à la recherche des oiseaux nocturnes.

En août 1993, un voyage en famille sur la Saône m’a permis d’observer le martin-pêcheur depuis le bateau que nous avions loué de Saint Jean-de-Losne jusqu’à Tournus (département de la Côte-d’Or en région Bourgogne). Les voir passer près du bateau, de découvrir le nid le long de la berge avec en prime les adultes sortir et entrer dans celui-ci nous avaient enchanté.

En 1995, j’ai eu la chance de voir le martin-pêcheur à l’Etournel par hasard. Cet oiseau m’a toujours fasciné pour trois raisons : sa taille, la disproportion du bec avec le reste du corps et sa couleur.

J’ai le souvenir de l’avoir rencontré en longeant le Rhône avec une paire de jumelles. Assis sur un enrochement, je scrutai le sol à observer les traces du castor, incroyable en levant la tête, j’ai la chance et la surprise de voir deux martins-pêcheurs se posent à proximité de moi quelques instants. C’est la saison des amours, ils s’observent, déploient les ailes et se rapprochent en se donnant des coups de bec. Évidemment, il était impossible pour moi de bouger, Ils quittent le perchoir quelques secondes après leurs ébats. Ils se suivent en zigzaguant au-dessus de l’eau et se posent un peu plus loin. Mais impossible de les suivre, ils vont trop vite malgré les jumelles, disparus. Ce fut un moment intense, de les voir se poser si proche de moi est un beau cadeau de la nature.

Présentation

Le martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) est de la famille des alcédinidés. Trapu, petit, il a une disproportion du corps. La tête et le bec sont beaucoup plus gros et la longueur du bec en fait une arme redoutable. La queue et les pattes sont courtes. De couleurs éclatantes et colorées, il reste difficile à voir en raison de sa taille. La calotte et les ailes sont d’un bleu verdâtre, le dos et sa queue d’un bleu clair, les joues et le dessous orangé, la gorge et les côtés du cou sont blancs, et des pattes rouges.

La différence entre le mâle et la femelle se voit au niveau du bec. Celui-ci est entièrement noir chez le mâle alors que chez la femelle la base de la mandibule inférieure est orange. Un autre signe distinctif sur le dessus du plumage, chez le mâle il est d’un bleu brillant.

Il niche le long des cours d’eau et des lacs ombragés, il a besoin de berge naturelle, une terre meuble. Il s’installe à 1 m voire jusqu’à 4 m au-dessus de l’eau. Il creuse horizontalement un tunnel de 50 à 90 cm de longueur. Il peut effectuer deux pontes, une première en mai et une deuxième en juillet-août. Sédentaire, Il m’est arrivé de découvrir son nid le long d’une rivière en Haute-Savoie mais le gel des eaux douces lors des hivers rigoureux lui est fatal. Sensible aux vagues de froid la population est décimée. Mais heureusement, l’espèce est prolifique et peut reconstituer rapidement ses populations.

Son vol est rapide. Souvent au raz de l’eau, Il évite les obstacles de façon impressionnante, un peu comme un avion de chasse.

C’est souvent par son cri aigu, perçant et bref qu’il se fera repérer avant d’être vu.

Techniques de chasse

Le martin-pêcheur passe le plus clair de son temps à l’affût, immobile sur une branche au-dessus de l’eau, il guette les petits poissons depuis la berge. Mais il peut aussi s’installer dans les ports de plaisance comme dans les ports de pêche autour du lac. Il se positionne sur un mur, un enrochement, sur une barrière d’un bateau ou une nasse de pêcheur. Le moment venu, il plonge avec précision pour attraper sa proie. Il le harponne et ressort de l’eau pour rejoindre son perchoir. Ensuite il assomme sa proie, joue avec parfois avant de l’avaler tête la première. Il rejette les écailles et les arêtes sous forme de pelotes. Chaque jour, il consomme la moitié de son propre poids.

Certaines de mes photographies ont une histoire, il va être difficile de toutes vous les narrer.

Près de Sciez...

En 2007, j’ai eu la chance de voir pendant quelques mois un couple de martins-pêcheurs sur la commune de Sciez et Excenevex, entre lac et rivière. Pour la photographie s’est dure dure !!!! Il faut du temps, installer l’affût et même pas certain de les voir à l’endroit choisi. Que de déception, même si je contemple la nature.

Pourtant un mercredi matin je me trouvai au niveau des cabanes des pêcheurs au port de Sciez et voila que le couple passe devant moi à quelques mètres, en zigzaguant au raz de l’eau. Un des deux se pose sur une nasse de pêcheur et l’autre sur un pilotis.

Pas un instant à perdre, je fais des clichés (en argentique à ce moment-là). Je ne me fais pas prier de cette aubaine de côtoyer ce spectacle, j’en prends plein les yeux. Trop attentionné par la femelle, le mâle posé sur la nasse, se laisse approcher mais pas trop non plus, donc prudence. Ce n’est pas le moment de les laisser partir.

Soyons discret et vigilant, je dois me faire tout petit. La femelle installée sur le pilotis attend son compagnon. Pas le temps de mettre le filet de camouflage sur ma tenue vestimentaire. Je pense à enlever rapidement le sac à dos pour m’adosser au mur face aux pilotis. Je suis très empreint par le fait de me retrouver avec deux artistes devant moi. Je m’installe par terre le dos contre le mur, ce n’est pas le moment de gesticuler dans tous les sens mais de me concentrer. Je n’aurai pas toujours un spectacle si grandiose. La femelle vient de partir, le mâle pèche devant moi pendant deux à trois minutes. Je garde un souvenir extraordinaire du mercredi 26 septembre 2007.

Une année qui démarre bien !

Le réveillon du 31 décembre 2014 étant annulé, je décide de passer le jour de l’an 2015 au bord du Rhône. La météo est favorable pour une sortie nature (soleil, pas de nuage et un froid sec). Il fait très froid depuis quelques jours et mis à part les zones en eau libre, les zones humides (étang, marais) sont presque toutes gelées. J’ai dans l’espoir de faire une bonne pioche photographique. La préparation du matériel est importante, tout est préparé la veille au soir. Le réveil à 7h suffit, nous sommes en hiver, le soleil viendra plus tard. Logiquement je ne devrais pas rencontrer beaucoup de monde.

Après une demi-heure de route je fais une halte de quelques minutes pour me dégourdir les jambes le long d’un cours d’eau genevois la Seymaz (cours d’eau protégé et renaturé). Mais je ne vais pas m’attarder, ce lieu est très fréquenté par les promeneurs.

Après une heure de route, j’arrive au parking correspondant du lieu de la balade. Il ne fait pas chaud, le temps de s’habiller et de vérifier le matériel une dernière fois il est un peu plus de 10h quand j’entame la balade le long du Rhône en direction de Genève. En effet, à ma grande surprise, un seul point d’eau au niveau des étangs (les Teppes de Verbois) n’est pas gelé.

Par chance un couple de martins-pêcheurs est présent, il se déplace sur tout le site (il y a trois étangs) et vient régulièrement vers le point d’eau accessible pour se nourrir. Ils ont la chance de trouver de la nourriture comme des épinoches. Il ne fait pas bien chaud et à cette heure-ci le site est à l’ombre. Installé dans l’affût, le couple survole les étangs, ils vont se percher sur des arbustes au soleil et viennent régulièrement se nourrir.

Heureusement avec le matériel utilisé, le peu de lumière me permet d’obtenir de bons clichés. C’est un régal de les voir tous les deux se poser sur la branche devant moi et assommer le poisson avant de l’avaler, parfois il joue, le lance au-dessus du bec et une fois la fête finie, l’avale la tête la première. Même le bruit du déclencheur ne semble pas l’effrayer. J’ai l’impression de vivre une scène de théâtre et de me trouver en première loge.

D’autres espèces sont présentes, le râle d’eau fait son apparition discrètement, trois bécassines des marais sont dans l’eau tout en recherchant les vers de terre, il en est de même avec la bécassine sourde. C’est trop à la fois, je ne sais pas où donner de la tête et des yeux, le spectacle est somptueux.

Il est bientôt 13 h, les promeneurs arrivent, il est temps pour moi de partir et de retrouver le soleil pour se réchauffer, de déguster le casse-croûte vers le défilé de Fort-l’Écluse. Par chance, je rencontre cinq biches au soleil qui détalent à mon arrivée. Une journée bien remplie, des souvenirs et le soir à la maison un sommeil de plomb.

Iconographie

martin pêcheur

 

martin pêcheur

 

martin pêcheur

 

martin pêcheur

 

martin pêcheur plonge pour attraper un poisson

 

martin pêcheur avec sa proie

 

martin pêcheur

 

martin pêcheur by Stéphane corcelle